Le monde se divise en deux : les numériques et les argentiques.

Le numérique est lisse, l'argentique a le grain rugueux.

Le monde se divise en deux : les entrée-plat et les plat-dessert.

Quant aux entrée-plat-dessert, ils cachent leur désir démesuré sous l'apparence d'une entrée-plat de bon aloi. Ce n'est qu'en fin de repas que le masque tombe sur leur faim inassouvie; car ceux qui veulent tout ont la décence de feindre toujours un peu moins.

Le monde se divise en deux : ceux qui tendent vers la norme, et ceux qui cherchent à s'en éloigner.

Esprit gaussien, sors de ce core.

Le monde se divise en deux : ceux qui connaissent le thérémine, et les autres.

Voilà voilà.

Le monde se divise en deux : ceux qui nagent, et ceux qui comptent les longueurs de piscine.

Un jour j'arriverai à vivre sans compter.

Le monde se divise en deux : ceux qui sont jeunes, et ceux qui l'ont été.

Ceux qui sont jeunes pensent qu'ils le resteront. Ceux qui l'ont été ont fini par comprendre qu'ils ne le seraient plus. Alors ils regardent les jeunes  avec la mélancolie douce du regret inavoué.

Le monde se divise en deux : les faux calmes et les vrais anxieux.

Et chacun se protège comme il peut des pluies acides, des citronnades et du vinaigre de vin vieux.

Le monde se divise en deux : ceux qui perdent leur temps, et ceux qui courent après.

Parfois, ceux qui courent après ont l’air d’avoir perdu quelque chose.

Le monde se divise en deux : ceux qui pensent que mes gâteaux au chocolat contiennent trop de beurre, et ceux qui pensent qu’ils en contiennent beaucoup.

Déjà, derrière la vitre du four, ces petites bulles dorées qui claquent à la surface mettent la puce à l’oreille. Ensuite le gâteau refroidit et l’on fait semblant d’oublier. Je découpe des parts comme on tranche dans la terre, dans la glaise, dans la chair tendre. On saisit le gâteau du bout des doigts, où restera une fine pellicule brillante qu’on n’osera pas lécher.

Le monde se divise en deux : ceux qui sucrent le thé à la menthe, et ceux qui ne le sucrent pas.

Ceux qui sucrent le thé à la menthe aiment la barbapapa, le kouign aman et et le caramel au beurre salé. L’excès ne leur fait pas peur, s’il est guidé par la recherche du plaisir. Peut-être sont-ils un peu moins prévoyants que les autres. Mais leurs joues sont un peu plus roses et leurs yeux pétillent à la fin des repas de famille.

Le monde se divise en deux : ceux qui se lèvent, et ceux qui restent au fond du lit en maudissant leur réveil.

Je ne connais rien de plus douloureux dans l’existence que de devoir s’arracher de force au cocon tiède des matins embrumés.

Le monde se divise en deux : ceux qui aiment la solitude, et ceux qui la craignent.

Et ceux qui la craignent m’ont toujours fait peur.

Le monde se divise en deux : ceux qui veulent créer un blog à chaque fois qu’ils ont une idée, et ceux qui se contentent d’avoir des idées.